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Comment tout cela a-t-il commencé ? Quelle est ta première rencontre avec le milieu du métal ?

Autant que je me souvienne, j’ai toujours été baigné dans le métal depuis mon enfance. Ça ne s’appelait pas encore métal, mais « rock », « hard rock » et encore d’autres noms, parfois « son saturé » ou « bouillie sonore infâme » par certains bons penseurs de l’époque. Ma sœur a 10 ans de plus que moi et m’a bercé avec Deep Purple, Led Zeppelin depuis tout petit. Mes copains chantaient Chantal Goya à l’école tandis que j’entonnais Smoke On the Water tranquillement.

Mfk et Jeff Waters (Annihilator) SoilChronicles

Pour ce qui est du commencement du webzine, c’était une bonne trentaine d’année plus tard : les années 1980 étant passé entre les deux, il y a eu tout ce qui est Iron Maiden, AC/DC, tout la new wave of British heavy metal (NWOBHM), l’avènement du thrash, les débuts du métal extrême.

Un jour de 1984, je me suis pris une claque, il y avait Show No Mercy de Slayer qui passait sur une radio locale et je me suis tout de suite dit que ça, c’était mon truc.

Puis j’ai passé toutes mes années collège et lycée à n’écouter que cette musique-là.

Dans les années 1990, Nirvana est arrivé en lançant la vague grunge derrière. Cette fois-ci, ce n’était pas pour moi. Je me suis dit que si c’était ça l’avenir du métal, autant arrêter. Je suis alors passé pendant quelques mois à la frange la plus dure de la techno (hardcore, gabber…) pour revenir de plus belle à ce que j’aimais depuis toujours, le métal.

Entre temps, je me suis casé, j’ai eu un enfant, je me suis calmé sur mes activités et sur mes envies de musique extrême, alors je me suis contenté de parler de ce que j’aimais sur les forums.

Un jour, quelqu’un m’a dit qu’il aimait bien mon recul, ma vision des choses, le fait que j’amenais des groupes que peut-être moi seul connaît. Puis il a ajouté qu’il bossait pour un webzine qui recrutait, et de venir si ça me disait. J’ai accepté parce qu’une ou deux chroniques par mois, histoire de rigoler, ça pouvait être sympa. En Alsace, j’avais bossé pour une association qui organisait des concerts sur Colmar à l’époque, alors je faisais un peu de photos pour eux.HellFest MetalFreak SoilChronicles

Il se trouve que mes photos plaisaient, et c’est l’ensemble de tout cela qui a amené Fredo, de Soil Chronicles, à me demander de venir chez eux quelques mois après mon déménagement en Isère en 2008. Depuis 2009 que je suis dans ce média, je ne l’ai jamais regretté.

En 2010, je me suis séparé, et pour ne pas péter les plombs, je me suis réfugié dans ce webzine.

Une sorte d’échappatoire…

Je chroniquais tout ce qu’on me proposait, j’ai enchaîné les chroniques, les concerts, les photos, les interviews. Ça a été un cercle assez vicieux puisque plus j’en faisais, plus on m’en demandait.

J’étais devenu un vrai bourreau de travail, et au final les retours ont été au-delà de ce que j’espérais. Puisque je me borne à toujours ne chroniquer que ce que j’aime, mes chroniques ont toujours été positives, il n’y a eu peut-être que deux ou trois fois où l’on m’a foutu la pression pour que je fasse une chronique sur quelque chose que je n’aimais pas et où je l’ai fait, mais c’est tout.

Petit à petit, Sonia – la boss de l’époque – qui avait des problèmes personnels aussi, n’arrivait plus à gérer l’ensemble, donc je me suis proposé, il y a deux ans, de prendre la tête du webzine et depuis, c’est moi qui essaie de diriger au mieux tout ça.

Enthroned - Metalfreak 08 SoilChronicles

Donc tu es devenu gérant de Soil Chronicles ?

En quelque sorte, j’ai quelques administrateurs à qui je délègue très facilement et qui font superbement le boulot à ma place, lors de mes vacances, de mes ‘weekends papa’ ou tout simplement de mes manques d’envie, parce que cela peut arriver. Ils prennent très bien le relais.

Est-ce que tu peux nous présenter un peu plus Soil Chronicles ? Qu’est-ce que c’est, depuis quand est-ce que ça existe, est-ce que ça a un statut particulier : association, entreprise, … ?

C’est tout simplement un webzine amateur constitué de quelques passionnés qui veulent partager ce qu’ils aiment, par leurs photos, leurs écrits et leur coup de cœur.

On fait des partenariats avec pas mal de labels ou d’associations que l’on veut honorer aussi, mais on ne se force à rien : c’est que du plaisir.

Le webzine a 11 ans. Je suis arrivé il y a 6 ans, il était donc déjà bien implanté quand j’ai mis les pieds dedans. Maintenant, bien entendu, il y a des évolutions un peu partout, alors on a besoin de plus en plus de monde ; de plus en plus de labels ou d’associations nous proposent de faire des partenariats. Tout le monde est bénévole, c’est notre loisir : on a tous un travail, une famille à côté.

Combien de membres avez-vous ?

Alors il y a des réguliers, voire plus que réguliers : Bloodybarbie, Erikillmister, Arno, Celtikwar, Lulu et bien d’autres.

Nous sommes environ 21, dont la moitié qui ne sont là que ponctuellement, quand ils ont le temps. Tous les noms utilisés sont des pseudonymes de reporters. Pour beaucoup, dont moi-même, on tient à notre vie privée et on évite de trop en dire.

Zuul FX - Metalfreak 15 (Copier)

On te voit souvent avec un appareil photo, as-tu eu une formation spéciale ? Y a-t-il eu une évolution dans les appareils que tu utilises ?

On ne me voit avec un appareil uniquement quand je suis dans un concert.

J’adore prendre le mouvement en photo, la photo ‘session’ m’ennuie !

Dans un concert, du fait de l’ambiance, je suis comme un poisson dans l’eau : il n’y a que là où je me sens vraiment à ma place, alors je veux immortaliser ça.

Je demande une accréditation ou alors, ce qui arrive de plus en plus, on me demande si je peux venir prendre des clichés : je fais une promo avant et un live report après. J’aime immortaliser ce que je vois et essayer de rendre à travers mes photos le plaisir que les artistes me donnent en les écoutant jouer.

Au sujet des appareils photos, j’évolue petit à petit. Pour l’instant, j’ai un 7D et un 600D (Canon). J’ai commencé par un 350D, qui m’avait été revendu par un ancien boss de Spirit of Metal, Kivan.

Si je n’avais pas eu tous ces retours positifs, tous ces gens qui me disaient « elles sont bien tes photos, tu peux retravailler ça, revoir ça, mais c’est pas mal », j’aurais certainement abandonné. Avec le temps, je me suis retrouvé accrédité au HellFest ou d’autres festivals.

De plus, des commentaires positifs de groupes dont je suis fan depuis les années 80 comme Onslaught par exemple sont de belles petites récompenses motivantes pour continuer.

Mfk et Dorothy Pesch (Doro) SoilChronicles

As-tu fait des rencontres qui t’ont changé ?

J’en ai fait énormément. Quand je me suis fait recruter par le webzine, je ne pensais pas que ça allait dépasser à ce point-là mes espérances. Je côtoie mes idoles régulièrement, je fais – même si c’est un peu beauf – des selfies avec eux, je créer des souvenirs qui me rendent heureux. J’ai fait de fabuleuses rencontres, notamment celles avec Doro, qui a été un grand moment particulièrement émouvant, Jeff Waters, les Crucified Barbara. Sans parler des quelques amitiés qui me sont précieuses comme Marco d’Uncolored Wishes, Kourros d’Incry, Sibylle de Witches que j’aime comme une sœur, ou, encore plus précieux, Hervé ‘SK’ Guégano dont les écrits dans les magazines metal de l’époque m’ont amené à avoir envie de faire de la chronique un jour… Je ne remercierai jamais autant cet homme d’avoir su me donner cette passion…

J’ai l’impression que tu vis un peu un rêve de gosse.

Oui, forcément : j’ai passé toute mon enfance à rêver de ces moments-là ! Je n’aime pas me mettre en lumière : si cela avait été le cas, j’aurais appris la guitare durant le temps que j’ai pris pour apprendre la photo dans le but de monter sur scène un jour. Mais je préfère partager ce que je vis par le biais de mes images et de mes écrits.

Nocturnal Depression (Copier)

Qu’est-ce que cela représente d’être à la tête d’un webzine ?

Il ne faut pas oublier que nous sommes un webzine amateur et que nous sommes considérés comme tel. Nous n’existons pas aux yeux des grosses productions. On tente parfois d’avoir des accréditations pour des très gros évènements, mais souvent on nous dit que seule la presse papier est autorisée ou les gros webzines professionnels.

Soil Chronicles reste un webzine amateur et je n’entends absolument pas le professionnaliser. C’est peut-être le fait que l’on marche au feeling et au coup de cœur qui fait que notre webzine marche. Je ne veux pas aller dans cette voie car cela deviendrait un boulot et plus une passion. Je veux rester encore libre de ce que je fais. Alors forcément, quand tu recrutes des mecs qui ont les dents qui rayent le parquet ou qui ne connaissent mon email que pour se faire accréditer sur des gros événements (et qui oublient de me rendre les reports, je pense par exemple au Seyssuel Fest), ça me gonfle ! Il n’y a rien de plus chiant que de devoir écrire des mails d’excuses aux orgas à cause de gens qui manquent autant de respect à leurs partenaires … et à eux-mêmes !

A un moment, je me suis demandé si je ne voulais pas plus travailler pour des magazines comme Rock Hard ou autres, mais on m’imposerait trop les choses. J’aurais eu un certain nombre d’albums à chroniquer pour avant-hier, des interviews de groupes que je n’ai pas forcément envie de faire.

Je tiens à ma liberté éditoriale tout en voulant garder un œil sur l’actualité, et Soil Chronicles me permet de le faire.

On est tout de même obligés de parler de l’actualité des grands groupes, ça ne servirait à rien de faire une chronique sur un album qui serait sorti l’année précédente. Cependant, j’ai une équipe assez hétéroclite pour pouvoir répartir les albums que j’ai à chroniquer en fonction des goûts de chacun. Ça évite qu’un fan de néo se retrouve à écrire sur du black, ou que quelqu’un qui aime l’AOR se tape du métal extrême.

Testament (Copier)

Tu dois cependant avoir une vue imprenable sur ce qui se passe dans la scène métal en France, l’environnement que cela représente. Qu’as-tu pu y constater ? Quelle est son évolution ?

En France, on a la chance d’avoir une scène métal extrêmement vivace, tout en sachant qu’un groupe de métal français (à part de rares exceptions) ne pourra jamais vivre de sa musique.

Quelque part, ils sont un peu comme nous : ils font cela par passion, ils y croient, aiment ce qu’ils font et veulent le partager au maximum.

Pour ce qui est de l’évolution de la scène métal, tant que tout le monde fait son petit bout de chemin sans se tirer dans les pattes, ça me va.

Et c’est ce qui se passe : il y a de la place pour tout le monde, malgré le fait qu’il y ait de plus en plus de groupes. Des associations organisent beaucoup de concerts et d’évènements pour faire jouer les groupes, ils font un travail énorme pour un style de musique qui n’est pas aidé médiatiquement en France. Il n’y a aucune grande radio française qui fasse une émission de métal. J’entends rarement de la promotion, même pour des gros concerts, sur des radios comme RTL, RMC ou NRJ.

La scène métal essaye de faire ce qu’elle peut avec ce qu’elle a. Il y a une volonté politique qui ne veut voir la culture se diversifier qu’avec le r’n’b, le rap et la techno. Je pense qu’ouvrir la diffusion de la culture à d’autres choses pourrait crédibiliser un peu plus nos radios aussi.

Pour parler d’un local grenoblois, j’aime bien Calogero, mais c’est dommage de l’entendre 18 fois dans la demi-journée alors qu’on aurait pu l’écouter une fois et mettre 17 autres chansons, styles de musique et artistes à la place d’autant de rediffusions.

Tsjuder (Copier)

Pourrais-tu citer cinq groupes de jeunes locaux que tu apprécies particulièrement ?

Les plus gros coups de cœur que j’ai eu dernièrement, c’est sur Charlie’s Frontier Fun Town, puisque je les ai vu débuter, je vois ce qu’ils font maintenant et leur évolution est hallucinante tout comme admirable. De plus, ils sont humainement fabuleux donc ils ont tout pour eux.

J’ai le même constat pour Y.Blues, avec Yaiba qui m’impressionne autant par sa culture musicale que par la façon qu’il a de le faire partager tout en humilité. J’espère vraiment qu’il aura le succès qu’il mérite.

Je parlerais bien d’Uncolored Wishes, qui a un univers particulier aussi. Il faudrait que pas mal de monde se renseigne et soutienne un peu ce groupe.

J’ai eu un coup de cœur à la fois humain et artistique la dernière fois que j’ai vu Y. Blues en concert, c’était Smoky Eyes. Ils m’ont vraiment impressionné.

Et puis pour les cinquièmes, j’aime toujours beaucoup Amon Sethis, Nightmare dont on va bientôt nous donner des nouvelles je pense, j’espère qu’Oblivion nous fera un très bon groupe, mais vu le line up, le contraire serait étonnant. Et puis on peut également parler de tous les projets de Fabrice avec Ellipsis, Whisky Of Blood et Rising Steel.

C’est difficile de n’en sortir que cinq de la scène grenobloise !

Pour l’humour, cinq groupes qui devraient tout arrêter ?

Oh nooooon, je ne veux pas encore reparler de ce groupe-là : seul son chanteur sait qu’il est le roi du métal sur Grenoble mais il devrait s’acheter une humilité, accessoirement des cours de chants et bien sûr arrêter de prendre les gens qui bossent dans les webzines pour ses attachés de presse.

A un moment, il faut savoir ne pas pousser trop loin la prostitution musicale.

Personne ne m’en voudra si je ne donne pas de nom, mais l’intéressé se reconnaîtra.

Borgne MetalFreak SoilChronicles

Quels sont les prochains gros projets du webzine, et ses prochains gros caps ? Y a-t-il des escaliers, des marches à monter prochainement ?

Si je m’écoutais, je ferais tout ce que l’on me propose : chroniques, interviews, reportages de concerts ; tout cela en travaillant mes photos en permanence.

Le prochain palier, ce serait tout simplement d’avoir un peu plus de monde pour pouvoir couvrir tout ce que j’aimerais couvrir.

Je veux absolument que le webzine garde une bonne image et la réputation d’un site d’actualités qui ne bâcle pas ses sujets. Il faut garder notre crédibilité, ce qui implique – plus le webzine grossit – que l’on a de moins en moins droit à l’erreur. Il ne faut pas qu’on se loupe, il y a une certaine pression.

Dans l’absolu, j’aimerais bien avoir un photographe par région, des québécois qui me parlent du métal là-bas, un reporter en Alsace pour aller couvrir les innombrables évènements du Z7, un peu plus d’anglophones – ce que je ne suis pas – pour pouvoir assurer et traduire les interviews en face to face.

Pour finir sur Christophe, as-tu des envies particulières pour la suite ? Des projets personnels ?

Tout ce que je dis est à prendre de manière personnelle : du moment que je vois mon fils de huit ans grandir heureux, tout me va. Tout le reste, le webzine, c’est du bonus.

Je fais un métier qui me permet de vivre tranquillement, de payer la pension alimentaire de mon enfant et d’assouvir ma passion. Après, comme je l’ai dit, le plus important, c’est le bonheur de mon fils.

Hellfest 2014 SoilChronicles Metalfreak

As-tu un mot, un geste particulier à dire aux lecteurs de cet article ?

Je ne fais pas tout cela pour me mettre en lumière, ce qui me permet de passer au-dessus des jugements ou critiques infondées. Je fais Soil Chronicles dans un but altruiste, qui permet de partager ses articles et ses photos.

Perso, je m’en fous, je connais les groupes de métal, les albums que j’aime et je pourrais garder mes photos pour moi, mais je préfère les diffuser et les partager avec tout le monde.

Quant au geste à faire aux lecteurs : une main avec un index et un auriculaire tendus et tout le monde (du moins les fans de metal) comprendra !